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Le Souffle dans toute chair : Repenser les animaux à travers l’œuvre de l’Esprit - Daniela Rizzo
Daniela Rizzo, maître de conférences en théologie systématique à l’Alphacrucis University College de Sydney, explore la présence de l’Esprit dans le monde animal dans cette magnifique réflexion. S’appuyant sur ses recherches en théologie animale et en pneumatologie, le Dr Rizzo nous invite à réimaginer les créatures qui nous entourent comme des participants vitaux au monde vivant de Dieu, animés et soutenus par le souffle de Dieu.
Ce n’est pas dans les hymnes d’une cathédrale ou dans les pages d’un ouvrage théologique que l’Esprit m’a trouvé, mais dans le silence d’une maison lourdement endeuillée. Mon père était mort. J’avais prié (en fait, juste supplié) pour qu’une trace de Dieu apparaisse au milieu du chagrin, un murmure dans l’obscurité. Lorsque j’ai prié pour que l’Esprit me réconforte, j’ai eu droit au doux poids de mon chat. Il s’est pelotonné sur moi alors que je m’asseyais, vaincue, sur le canapé, a placé sa tête contre ma poitrine et est resté là. Il n’y a eu ni mots, ni visions, ni miracles. Juste le rythme lent et régulier de sa respiration, synchronisé avec le mien - et pourtant, j’ai eu l’impression que l’Esprit m’apportait un réconfort tangible. Ce n’était pas seulement une compagnie, mais une communion. Une pulsation de quelque chose de sacré passait entre nous, comme si l’Esprit qui planait au-dessus des profondeurs s’était plié à la fourrure et aux os. Ce moment, si calme qu’il aurait pu passer inaperçu dans les marges de la mémoire, est devenu une graine. L’Esprit pourrait-il se déplacer non seulement par l’intermédiaire de prophètes et de prédicateurs, mais aussi par le biais de ronronnements ? Le souffle de Dieu pourrait-il remplir non seulement des poumons semblables aux nôtres, mais aussi les créatures que nous négligeons dans notre quête d’un moment exceptionnel avec un Dieu qui fait des miracles ?
Cette question ne m’a pas lâché. Elle est devenue la substance de mon travail théologique : une pneumatologie des animaux. Une façon de voir les créatures non pas comme des toiles de fond décoratives de l’histoire humaine, mais comme des participants vitaux, inspirés par l’Esprit, dans le monde vivant de Dieu. L’Écriture, lorsqu’elle est lue avec des yeux suffisamment grands, soutient cela. La tradition, lorsqu’elle est libérée de l’orgueil humain, s’en fait l’écho. J’en suis venu à croire qu’un fil d’Esprit traverse toute chair et que les animaux sont eux aussi entraînés par le souffle de l’Esprit.
Le souffle de vie
La création ne commence pas par un mot, mais par un vent. Avant qu’il n’y ait forme ou parole, il y a mouvement - ruach, l’Esprit de Dieu qui agite les eaux dans l’obscurité. Il ne s’agit pas d’une brise légère, mais d’une force, vaste et sauvage, qui plane comme une créature aviaire, attendant d’ouvrir le monde. C’est ce même souffle (ce ruach) qui anime la vie à partir de la poussière, à la fois en Adam et en toute créature qui rampe, nage ou prend son envol. Le témoin biblique ne fait pas de distinction fine ici. Le souffle qui remplit les poumons d’un agneau nouveau-né n’est pas un souffle moindre. C’est le même vent divin.
Les mots hébreux ruach et nephesh - l’esprit et l’âme, le souffle et la vie - traversent les Écritures comme deux courants jumeaux. Leurs significations résistent à une séparation nette. Nephesh ne signifie pas une âme fantomatique qui flotte en dehors du corps ; il s’agit d’un être vivant, d’une vie qui palpite dans la chair. Lorsque la Genèse parle de "créatures vivantes", elle les appelle nephesh chayyah. Ce terme s’applique aussi bien aux hommes qu’aux animaux. Il n’y a pas de hiérarchie ontologique dans le souffle. Ce qui anime l’un anime tous les autres.
Il ne s’agit pas d’un accident de langage. L’Esprit ne respecte pas les espèces. Le Ruach se répand dans la création sans distinction, non pas comme une possession mais comme une présence, comme la vitalité essentielle qui lie le monde vivant à son Créateur. Et si le souffle est un don, il est donné à tous.
Job le savait. "Interroge les animaux et ils t’enseigneront", dit-il. "Dans la main de Dieu se trouve le nephesh de tout être vivant et le ruach de tout être humain" (Job 12,7-10). Les oiseaux, les poissons, les bêtes de la terre ne sont pas des témoins muets de la gloire de Dieu. Ils en sont les réceptacles. Ils vivent, comme nous, animés par le souffle de Dieu.
Philon d’Alexandrie, qui écrivait des siècles avant la biologie moderne, a entrevu ce mystère. Pour lui, le souffle divin de la Genèse était un fragment de l’Esprit incréé, une part du Logos éternel, présent dans tous les êtres vivants. Être inspiré, au sens le plus profond, c’est recevoir le souffle de Dieu. Et ce souffle n’appartient pas seulement à l’homme.
Telle est donc la signature de l’Esprit : non pas le contrôle ou le commandement, mais le souffle. Non pas la distinction, mais la communion. Ce n’est pas le domaine exclusif du rationnel ou du moral, mais une effusion généreuse dans tout ce qui vit, bouge et a son être. L’Esprit ne plane pas au-dessus de la vie comme une abstraction ; il y entre, la soutenant de l’intérieur - soutenant même les formes fragiles et périssables qui saignent, se meurtrissent et meurent. Le renouveau n’est pas une fuite de la créature. C’est la réanimation de celle-ci.
Lorsqu’un cerf expire dans le froid du matin, lorsqu’un chien s’essouffle après une course, lorsqu’une colombe s’élève dans le vent, ils respirent l’Esprit. Ils n’ont pas besoin de langage ou de liturgie pour être remplis de la vitalité de Dieu. Le souffle qu’ils respirent est le même que celui qui planait au-dessus des eaux.
L’esprit dans la souffrance
Pourtant, les animaux souffrent - à cause de la prédation, de l’exploitation, de l’effondrement de l’environnement. Osons-nous dire que l’Esprit est présent même ici ?
L’une des images les plus fortes du Nouveau Testament est celle de la création qui gémit (Romains 8:22). L’apôtre Paul écrit que "la création tout entière a gémi comme dans les douleurs de l’enfantement jusqu’au temps présent". Mais Paul ne nous laisse pas désespérer - il insiste sur le fait que l’Esprit gémit avec la création, intercédant avec des soupirs trop profonds pour être exprimés (Romains 8:26).
Ce passage a changé ma façon de voir la souffrance des animaux. Leurs cris ne sont pas perdus dans le vide. Ils sont portés par l’Esprit, dont la présence demeure même dans les endroits les plus rudes de la nature. De la gazelle chassée au koala déplacé, chaque gémissement n’est pas oublié. L’Esprit n’efface pas la souffrance, mais reste en elle, œuvrant pour une guérison plus profonde.
Le salut pour toute chair
Souvent, lorsque nous parlons de salut, nous le faisons en termes réservés aux âmes humaines. Mais le prophète Joël a déclaré que, dans les derniers jours, l’Esprit de Dieu serait répandu sur "toute chair" (Joël 2:28). Pierre a répété cette vision à la Pentecôte, en Actes 2, et elle est devenue la marque de l’Église primitive.
L’expression "toute chair" pourrait-elle vraiment signifier "toute" ? L’œuvre rédemptrice de l’Esprit pourrait-elle également concerner les animaux ?
C’est ce que pensaient les premiers théologiens comme John Wesley. Il envisageait un avenir où les animaux seraient restaurés et transformés, leurs capacités accrues dans le monde renouvelé de Dieu. Des théologiens plus contemporains, tels que Jürgen Moltmann et Denis Edwards, ont soutenu que les animaux ne sont pas seulement des objets de compassion, mais des sujets de l’amour divin, destinés à être inclus dans la nouvelle création.
Si le salut est cosmique - s’il s’étend à "un nouveau ciel et une nouvelle terre" (Apocalypse 21:1), alors les animaux, qui souffrent du péché humain et de la destruction écologique, sont également concernés par cette promesse de rédemption. La théologie pentecôtiste, qui célèbre l’immédiateté et le pouvoir de transformation de l’Esprit, a quelque chose de profond à offrir ici : une création baptisée par l’Esprit, où même les créatures non humaines sont embrassées par la présence rénovatrice de l’Esprit.
Les voix de la création
Au cours de mes recherches, j’ai commencé à me demander si les animaux n’avaient pas leur propre langue, non pas celle des sermons ou des syllabes, mais quelque chose d’unique à leur condition de créature. Les pentecôtistes parlent de glossolalie, des langues qui traversent le langage ordinaire, portant des gémissements trop profonds pour être exprimés par des mots. Et si les animaux, eux aussi, parlaient de cette manière : une glossolalie animale, peut-être ? Et si leurs appels, leurs cris et leurs silences faisaient partie d’un chœur cosmique ?
Le psalmiste semble le penser. Le psaume 148 n’appelle pas seulement les gens à louer le Seigneur - il convoque les monstres marins, les bêtes sauvages, les reptiles et les oiseaux volants. L’Apocalypse parle de toutes les créatures du ciel et de la terre, même sous la terre et la mer, qui élèvent leur voix vers l’Agneau (Ap 5,13). Il ne s’agit pas seulement de tournures poétiques. Ce sont des aperçus de la création en plein concert.
Le chant des oiseaux à l’aube, le gémissement d’une baleine qui roule dans les profondeurs, le faible grognement d’un lion au crépuscule, le bourdonnement des abeilles dans le trèfle - chacun pourrait être une sorte de langue, non pas la nôtre, mais celle de l’Esprit. Il se peut qu’ils fassent résonner le souffle qui a agité les eaux pour la première fois. Après tout, l’Esprit se déplace non seulement dans les églises, mais aussi dans les champs et les forêts, les déserts et les profondeurs des océans. Lorsqu’un chat ronronne doucement à vos côtés, n’est-il pas en train d’exprimer la joie ou la douleur d’être en vie ?
Même l’Écriture laisse une place à cette possibilité. Dans Nombres 21:32, un âne parle - non pas par métaphore, mais en termes simples. Il ne s’agit pas d’une parabole. C’est le moment où Dieu donne la parole à un animal non humain, plaçant ses mots parmi toutes les voix de la Bible. L’Esprit, semble-t-il, ne se préoccupe pas des bouches étranges.
Peut-être que les animaux ont toujours parlé, non pas à nous, mais à Dieu. Peut-être avons-nous pris leurs chants pour des bruits de fond alors qu’ils ont toujours été une liturgie. Et si leurs voix comptent pour Dieu, alors elles devraient compter pour nous.
Conclusion : Un souffle partagé
Croire en l’Esprit Saint, c’est faire confiance à un Dieu qui insuffle la vie dans la poussière et s’attarde dans le monde. La présence de Dieu ne se retire pas de la matière mais la sature. Chaque créature est donc porteuse de ce souffle, non pas par métaphore, mais par essence.
Lorsque je me souviens de mon chat qui m’a réconforté dans ma peine, je me rappelle que la théologie ne vit pas dans l’abstraction. L’Esprit parle à travers ce qui est sauvage et souvent négligé, et parfois, il ronronne.
Mais il arrive aussi qu’il prophétise.
Entendre correctement la création est une responsabilité spirituelle. Si les animaux parlent, nous sommes appelés, en tant qu’imago Dei, à écouter et à servir. Et si l’Esprit se déplace à travers toute chair, alors toute chair compte pour Dieu.
Daniela Rizzo est maître de conférences en théologie systématique à l’Alphacrucis University College de Sydney, en Australie. Elle a récemment terminé son doctorat intitulé "Theological Foundations for a Pneumatology of Animals" (Fondements théologiques d’une pneumatologie des animaux), qui construit une pneumatologie systématique affirmant que les créatures non humaines participent à l’œuvre vivifiante et rédemptrice de l’Esprit.
Outre son rôle d’enseignante, Mme Rizzo est directrice des diplômes d’enseignement supérieur en leadership et ministère à l’Alphacrucis University College. Ses recherches visent à susciter une réflexion critique sur la relation entre Dieu et la création, en mettant l’accent sur la signification théologique des animaux.
Mme Rizzo a contribué au discours universitaire par des publications telles que "Animal Glossolalia : A Pneumatological Framework for Animal Theology" dans Pneuma (2024), où elle explore l’idée que les animaux participent à l’expression spirituelle par l’intermédiaire de l’Esprit. Elle a également écrit "Animals in Relationship with God", qui traite des liens spirituels entre les humains et les animaux.
Pour en savoir plus sur son travail : https://www.ac.edu.au/faculty-and-staff/51/main/
RESUME
Le Souffle dans toute chair : Repenser les animaux à travers l’œuvre de l’Esprit - Daniela Rizzo
Dans cet article, la Dr Daniela Rizzo, maître de conférences associée en théologie systématique au Collège universitaire Alphacrucis à Sydney, explore la présence de l’Esprit dans le monde animal. Elle s’appuie sur ses recherches en théologie animale et en pneumatologie pour inviter à reconsidérer les créatures qui nous entourent comme des participants essentiels au monde vivant de Dieu, animés et soutenus par le souffle divin.
Elle partage une expérience personnelle de deuil où la présence réconfortante de son chat lui a apporté une consolation spirituelle profonde, illustrant comment l’Esprit peut se manifester à travers les animaux.
Rizzo développe une pneumatologie des animaux, une manière de voir les créatures non pas comme des décors de l’histoire humaine, mais comme des participants vitaux, inspirés par l’Esprit, dans le monde vivant de Dieu. Elle souligne que les Écritures, lorsqu’elles sont lues avec une perspective ouverte, soutiennent cette vision.
Elle discute également de la souffrance animale et de la manière dont l’Esprit est présent même dans ces moments, travaillant à une guérison plus profonde. Elle évoque la possibilité d’un salut pour toute chair, y compris les animaux, en s’appuyant sur des théologiens tels que John Wesley, Jürgen Moltmann et Denis Edwards.
Enfin, Rizzo propose que les animaux possèdent leur propre forme de langage spirituel, une " glossolalie animale ", et que leurs voix font partie d’un chœur cosmique louant le Créateur.


