Les animaux vont-ils au paradis ? Christophe Herinckx

, par Pierre

Source : https://www.cathobel.be/2017/11/02/les-animaux-vont-ils-au-paradis/
Christophe Herinckx - 2 novembre 2017

Dans notre rubrique mensuelle « Une question à la foi », qui fait écho à l’émission diffusée sur RCF-Bruxelles*, Christophe Herinckx tente de répondre à des questions que tout le monde se pose sur la foi chrétienne. Cette semaine : « Existe-t-il un au-delà pour les animaux ? »

Les animaux ont-ils une âme ?

Si on l’entend de façon littérale, oui, par définition, les animaux ont une âme. Le mot âme, dérivé du latin anima, désigne justement ce qui anime un corps, lui donne vie. Donc, par définition, tout être vivant a une âme. Pour Aristote, le grand philosophe de l’Antiquité (384-322 avt. J.-Chr.), même les plantes ont une âme, parce qu’elles sont des êtres vivants.

Mais pour Aristote, et saint Thomas d’Aquin à sa suite (1225-1274), seule l’âme spécifiquement humaine est douée d’esprit. L’homme est ainsi le seul être vivant doué d’intelligence, on dirait aujourd’hui de conscience.

Si les animaux possèdent une âme, s’agit-il de la même âme que nous ? En Occident, en particulier dans les milieux chrétiens, c’est une question apparue récemment. Les animaux ont-ils une conscience, une forme d’intelligence, voire une âme immortelle, c’est-à-dire quelque chose qui, en eux, survit après la mort ? Dans d’autres spiritualités, comme l’hindouisme ou le bouddhisme, on a une idée différente sur la question : tout être vivant possède le même type d’âme, qui est une étincelle de la divinité.

La Bible parle-t-elle d’âme ?

Le Bible connaît effectivement une notion d’âme (nephesh), qui correspond à la dimension « immatérielle » de l’homme, mais qui ne peut être séparée de son corps, sa dimension « matérielle ». Mais la notion d’âme en Occident vient plutôt de la philosophie grecque, d’Aristote et de Platon. Pour ce dernier, l’âme est d’une essence différente du corps, immortelle, qui vit dans le corps comme dans une prison.

Dans cette conception, l’âme est foncièrement séparée du corps. Aussi, sous cette influence platonicienne, dès les premiers siècles du christianisme, et jusqu’au XXe siècle, on a généralement considéré que, quand une personne meurt, son âme immortelle survit.

Cette compréhension de l’âme comme immortelle est-elle biblique ? Quoiqu’il en soit, même si l’homme n’a pas d’âme immortelle, cela ne veut pas dire pour autant qu’il n’y a pas, pour lui, d’au-delà de la mort. Parce que, au final, c’est Dieu qui lui donne la vie, c’est Dieu qui est le principe vital de l’homme. Donc s’il y a une vie après la mort, c’est parce que la personne vit en Dieu.

Y a-t-il aussi une vie après la mort pour les animaux ?

Dans le christianisme, on n’a jamais véritablement tranché cette question. Dans la Bible, on ne parle pas beaucoup des animaux, contrairement à d’autres religions. Par contre, saint Paul écrit que toute la création est dans l’attente de la révélation des fils de Dieu (Romains 8,19). Dans le Nouveau Testament, on trouve l’idée selon laquelle, à la fin de l’histoire, l’univers tel que nous le connaissons aujourd’hui ne va pas purement et simplement disparaître, mais il sera transfiguré, transformé de l’intérieur. On pourrait dire qu’il va être entièrement spiritualisé.

Dès lors, cette question prend tout son sens : est-ce que les animaux feront également partie de cette création nouvelle ? Jusqu’à présent, cette hypothèse n’a cependant guère été développée par les théologiens chrétiens.

Dans son encyclique Laudato Si (2015), le pape François explique que, pendant des siècles, on a considéré les animaux pratiquement comme des objets, qui n’avaient de sens que par rapport à l’usage de l’homme, mais qu’on doit considérer que les animaux existent aussi pour eux-mêmes. Cette idée est assez nouvelle. Elle n’avait jamais été réellement développée dans la tradition chrétienne, même si elle n’en est pas absente.

Dans certaines religions, il est interdit de tuer les animaux, de s’en nourrir. Qu’en est-il dans le christianisme ?

Dans le christianisme, on n’est pas aussi exigeant à ce sujet. Par contre, il y a des indications très intéressantes dans la Bible qui concernent le végétarisme. Dans le premier des deux récits de la création, dans le livre de la Genèse (Genèse 1 – 2,4), il est précisé que Dieu donne les végétaux pour nourriture aux animaux et aux hommes. Cela veut dire que, dans le « plan » de Dieu sur la création, il n’était pas prévu que les animaux puissent servir de nourriture pour l’homme. Donc, il y a une forme de végétarisme présent au tout début de la Bible.

Quand on avance dans la lecture du même livre de la Genèse, on trouve le récit du déluge aux chapitres 6 à 8. Dieu, au regard de la violence omniprésente dans le monde, décide de le submerger par les eaux. Noé et sa famille rassemblent alors un couple de chaque espèce animale dans son arche – ce qui est comme une image du salut, qui concerne aussi les animaux. Les occupants de l’arche formeront les germes d’une création nouvelle, et d’une alliance avec l’humanité à travers Noé et ses descendants. Et c’est là que Dieu va autoriser les hommes à manger des animaux. Un peu comme si Dieu avait voulu canaliser la violence qui est en l’homme. L’être humain ne peut toutefois pas en consommer le sang qui, dans la Bible, représente le principe vital. En ce sens, on préserve une forme de respect à l’égard de l’animal, même si on le mange.

Aujourd’hui, à l’instar d’autres spiritualités, on pousse la logique plus loin : on redécouvre que les animaux sont des êtres doués de sensibilité, voire d’une certaine forme de conscience. Dès lors, ne doit-on pas, comme chrétiens, les considérer comme des frères et des sœurs, même si ce n’est peut-être pas au même degré que nos frères humains ? A cet égard, saint François d’Assise (1182-1226) est un exemple frappant. Il considérait toute la création comme un être vivant, et les animaux comme ses frères et sœurs, tout comme le soleil, la lune…

Comment comprendre que nous, Occidentaux, avons été parfois très loin dans la maltraitance des animaux ?

Même si le manque de respect à l’égard de la création et des animaux est né en contexte judéo-chrétien, ce n’est pas conforme à la tradition de l’Eglise, comme l’a rappelé le pape François. Historiquement, le mépris pour la création naît plutôt aux origines de l’époque moderne. Pour le philosophe Descartes (1596-1650), l’animal est une sorte de mécanique, incapable de sensibilité ou de souffrance. Pas d’âme donc, selon lui, chez les animaux. Et d’ailleurs, pour lui, la nature n’est pas quelque chose de vivant.

C’est cette conception-là qui a permis, par la suite, l’industrialisation dans nos contrées, et l’exploitation, puis la surexploitation de la nature. La terre est alors considérée comme une source inépuisable d’énergie, quelque chose qu’on peut utiliser à souhait pour le bien de l’homme. Mais cela finit par se retourner contre lui, cela conduit à la destruction de nombreuses espèces animales et végétales, à une pollution catastrophique. Aujourd’hui, les chrétiens – y compris nos pasteurs et les théologiens – prennent de plus en plus conscience de la nécessité d’une écologie intégrale, qui implique le respect de la création.

Les personnes qui ont un lien particulier avec un animal domestique ont-elles une chance de le retrouver au paradis ?

La question demeure ouverte : y a-t-il un au-delà possible pour les animaux ? la Bible ne tranche pas cette question, mais ne s’oppose pas non plus à cette idée. Peut-être que, doués d’une forme de conscience, les animaux accèdent effectivement à une forme de survie après la mort. C’est une réelle possiblité. Tout comme on se verrait mal vivre en communion avec Dieu, pour l’éternité, sans les personnes qu’on a aimées, pourquoi ne serait-ce pas également le cas en ce qui concerne les animaux ? Surtout quand on pense à l’attachement de certains animaux à l’égard de leur maître. Il y a une sorte de capacité d’amour chez ces êtres vivants…

Christophe HERINCKX