C´est la question que m’ont posée, à diverses reprises, ceux qui aiment nos amis à quatre pattes, et que l’on appelle, à tort, inférieurs, car souvent ils nous donnent des leçons de fidélité et d’affection, dont bon nombre d’hommes ne sont pas capables. Honnêtement je ne puis répondre à cette question de façon certaine, car elle est l’objet de débats passionnés de la part de ceux qui aiment ou n’aiment pas les animaux. Leurs arguments fourbis par les uns et par les autres ne sont pas convaincants. Cela est certain ! Par ailleurs, rien dans la Révélation de l’Ancien ou du Nouveau Testament ne nous permet de porter un jugement adéquat sur ce problème qui reste entier, en dépit de recherches dont il a été l’objet durant des siècles.
(…) L’Église a toujours pensé que les animaux avaient une âme, différente certes de la nôtre, mais une âme quand même : Animus : Principe de vie afférent au corps. Anima : Principe de vie supérieur qui doit normalement conduire à la participation à la grâce de Dieu, si elle est acceptée par l’homme, qui reste libre de la refuser, puis à la contemplation de la Trinité, dans l’éternité après la mort. Dans la Génèse (le premier livre de la Bible), si on lit le texte se rapportant à la Création, sans l’extrapoler, on voit que Dieu crée toute chose par plusieurs actes d´Amour successifs, l’un s’appliquant à la matière, l’autre à la vie animale en divers modèles. Pour l’homme, Dieu fait mieux et plus : il le crée « à son image et ressemblance vivantes ».
Mais nous trouvons, de fait, chez les animaux, toute une graduation de vie qui évolue vers un plus grand perfectionnement et une plus grande complexité physiologique, pour aboutir à l´homme qui est tiré du « néphech », de la terre comme les animaux, et qui après le péché d’orgueil et la condamnation par Dieu, y retournera par la mort naturelle. Il y a une certaine approche que nous allons retrouver dans les explications fournies par Saint Thomas d’Aquin dans sa Somme Théologique. Saint Thomas enseigne que l´homme possède trois facultés inférieures et trois facultés supérieures. Les facultés inférieures sont : la mémoire, l’imagination et la sensibilité. Les facultés supérieures sont : l’intelligence, la volonté et l’amour (images en nous de la Trinité, des Personnes divines).
Les animaux évolués, ceux que nous considérons comme tels, parce que nous en sommes plus près pour diverses raisons (pas toujours désintéressées), possèdent certainement les trois facultés inférieures : mémoire, imagination, sensibilité. Point n’est besoin de démonstration pour nous convaincre. Il n´y a qu’à regarder vivre mon chien ou mon chat, par exemple, ou tout autre animal qui nous est familier qui leur ressemble.
Les animaux sont comme des enfants à qui l’on donne des habitudes et qu’ils gardent toute leur vie car un chien est un enfant à vie. D’où nécessité d’y penser avant de prendre un chien chez soi. L’avantage par rapport aux enfants, c´est qu’ils restent enfant leur vie durant, et sont comme eux, sans arrière-pensée à notre égard. Leur dépendance comme leur fidélité sont de tous les instants, et ils en ont conscience. L’enfant s’émancipe, l’animal pas du tout. Il faut donc le savoir quand on adopte un chien, car il vous faudra l’assumer totalement et durant toute sa vie : nourriture, soins, etc.
Le chien possède-t-il les trois facultés supérieures ? Celles enseignées par Saint Thomas d’Aquin : intelligence, volonté, amour. L’intelligence. Elle existe chez le chien, mais elle n’est pas spéculative : Si vous conduisez votre chien à l´école, il n’y apprendra rien. Il ne peut pas, en effet, progresser dans aucune science. Il ne peut pas comprendre ce que vous enseignez aux enfants. Il a par contre un sens que l’homme a peut-être possédé et qu’il a perdu. Le chien sent et devine à distance ce que nous ne pouvons que supputer. Est-ce là une partie de l’intelligence ? Cela est possible, mais reste à démontrer. L’on dit souvent d’un chien qu’il ne lui manque que la parole. C’est vrai ! Mais ce langage des chiens que nous ne saisissons pas toujours, eux en comprennent le nôtre. J’ai constaté que, si je parle à mon chien devant lui, selon ce que je dis, il vient vers moi ou s’en va (s’il s’agit de soins à lui donner par exemple, et qu’il n’aime pas).
Je suis certain qu’un chien que l’on va tuer le sent très fort et en a une certaine conscience : il souffre moralement. Regardez ses yeux : ils vous parlent. J’ai vu cette désolation dans les yeux d’une bergère allemande arrivée au dernier stade d’un cancer ouvert et qui pourrissait vivante. Je l’ai soignée comme mon enfant. Je l’ai faite endormir puis exécuter parce que les médicaments n´arrivaient plus à lui ôter la douleur et qu’elle ne pouvait pas guérir. Je lui ai pris la tête dans mes mains et je lui ai parlé jusqu’au bout. Elle me regardait confiante puis son âme s’est envolé vers Dieu, son créateur.
Je pose alors la question : pourquoi Dieu détruirait-il Sa création ? Pourquoi l’anéantirait-il après l’avoir faite si belle ? Ce n’est pas parce que je ne puis justifier l’existence de l’âme de mon chien qu’elle n’existe pas. Saint Paul a écrit que « toute la création gémit dans la douleur de l’enfantement ». Pourquoi gémir si ce n´est pour donner la vie ? Certes, Dieu seul peut combler le cœur de l’homme. Y a t il un inconvénient d’y joindre mon chien ? Dieu en a fait le compagnon de ma vie, mais l’a aussi créé pour Sa gloire. Dieu peut-il porter atteinte à cette Gloire et me priver de l’amour de mon chien et lui du mien ? L’homme seul a la possibilité de la lui refuser. Le Psalmiste nous dit que « tout être créé le chante sans fausses notes et sans interruption » pourquoi pas éternellement ?
Je ne sais si certains théologiens partageront mon point de vue, mais aucun à ma connaissance, et jusqu’à ce jour, n´a pu expliquer ce problème. A ceux qui auraient quelque idée là-dessus de le faire connaître. J’en profite pour ajouter, à l´adresse de certains détracteurs qui prétendent que, si l’on s’occupe des animaux, il n’y a plus de place, sans son cœur, pour les hommes et la misère humaine. Je crois pouvoir dire que ceux qui n´aiment pas les animaux, moins que d’autres encore, n´aiment leurs semblables. Ils ne s’aiment qu’eux-mêmes. L’amour, en effet, n’a pas de frontière. Il n’a pas non plus de limite. Dans sa première épître Saint Jean écrit que « Dieu, c’est l’Amour ». Et nous savons que Dieu est éternel et infini. C’est pourquoi l’amour de l’homme doit être la vivante image de celui de Dieu. Il inclut donc en lui, obligatoirement, celui de toute la création et donc de comprendre aussi mon chien et mon chat. Si je mesurais mon amour, en effet, c’est que je n’aimerais pas. Et ce reproche ne serait que la manifestation camouflée de mon égoïsme.