Douceur et violence : la nourriture végétale et carnée en Genèse 1-9, André Wénin

, par Pierre

André Wénin
Université catholique de Louvain

Douceur et violence : la nourriture végétale et carnée en Genèse 1-9

La plupart d’entre nous mangent de la viande tous les jours, sans se poser de questions.
D’autres ne mangent qu’une nourriture végétale, ce sont les végétariens.
Pourquoi ne mangent-ils pas de la viande ? La viande suppose que l’on a tué un animal pour s’en nourrir.
Que dit la Bible ce sujet ?
1. La nourriture de tous les vivants (Gn 1,29-30).
2. Les arbres du jardin d’Eden
3. Le nouveau régime alimentaire

Soutine

 Nombre de récits relevant du genre mythique abordent la question de la nourriture. Il n’y a pas à s’en étonner puisque le mythe s’intéresse à tout ce qui est capital pour les humains et leur existence. Il n’en va pas autrement dans la Bible, en particulier au début de la Genèse. Dans la fresque de la création (Gn 1), la dernière parole du divin créateur souligne le don de la nourriture aux vivants ; la question du manger est encore au centre du dispositif narratif du récit de l’Éden (Gn 2–3) ; enfin, après le déluge, Dieu revient sur le régime alimentaire des humains pour le modifier (Gn 9,1-6).
 Cette thématique apparemment banale touche en réalité à une question essentielle pour la vie, celle de la violence nécessaire à l’entretien de celle-ci. Dans le texte qui suit, il s’agira de suivre pas à pas le narrateur du récit mythique pour tenter de mettre en évidence les aspects essentiels de la réflexion qui se construit autour de ce thème. On prendra le texte tel qu’il se présente dans la Bible hébraïque, en privilégiant toutefois la ligne principale qui va de Gn 1,29-30 à 9,1-6 et que les spécialistes attribuent à l’œuvre sacerdotale. En effet, le texte non sacerdotal de Gn 2–3 traite moins le thème de la nourriture comme tel qu’il ne l’utilise narrativement pour mettre en scène un choix malheureux des humains. Il n’en est pas moins intéressant pour autant.
1. La nourriture des vivants (Gn 1,29-30)
 Dans le récit de la création en Gn 1, la parole par laquelle Dieu donne aux humains puis aux animaux leur nourriture est la dixième et la dernière à être introduite par la formule « et Dieu dit ». C’est aussi de loin la plus longue des interventions parlées de Dieu dans cette page. Ces caractéristiques lui confèrent un poids particulier au terme d’un texte d’allure solennelle. Lisons ce texte :
« 29 Et Élohîm dit (aux êtres humains) : « Voici, j’ai donné pour vous toute herbe semant semence qui est sur la face de toute la terre et tout arbre qui a en lui un fruit d’arbre semant semence, pour vous, ce sera pour manger,30 et pour tout vivant de la terre et pour tout volatile des cieux et pour tout rampant sur la terre en qui est un être vivant, toute verdure d’herbe pour manger. » Et ce fut ainsi. »
 On notera que la nourriture ainsi donnée est seulement végétale. En outre, elle n’est pas la même pour les uns et les autres : aux humains les céréales et les fruits des arbres ; aux bêtes toute herbe verte, c’est-à-dire sans doute le reste de la végétation. (Le texte fait écho ici à la distinction des végétaux en trois classes aux v. 11 et 12.) Le détail suggère d’emblée que, dans la création de Dieu, humains et animaux n’ont pas à lutter les uns contre les autres pour garantir leur nourriture. On va y revenir.
 Par son contenu, cette parole a donc quelque chose d’étrange. De plus, au terme d’un texte aussi ample, elle frappe par son caractère apparemment anecdotique. Pourquoi le créateur la prononce-t-il donc ? L’être humain à peine créé est-il incapable de trouver par lui-même de quoi se nourrir ? Les animaux attendent-ils qu’on leur indique leur menu ? Une mise en contexte s’impose pour comprendre de quoi il est ici question.
 Juste avant cette ultime parole, Dieu vient de créer l’être humain et de lui assigner sa vocation de maître de la terre, et spécifiquement des animaux. L’ordre que le créateur donne en bénissant les humains est celui-ci :
« Fructifiez et multipliez et emplissez la terre et soumettez-la, 
et maîtrisez les poissons de la mer et les volatiles des cieux et tous les vivants qui rampent sur la terre » (v. 28).
 C’est alors qu’il donne aux humains des céréales et des fruits à manger. La séquence me paraît significative. Suite à l’ordre de maîtrise, la parole divine induit en effet une certaine façon de le mettre en œuvre. Si l’être humain se nourrit de végétaux, tout en se rendant maître des animaux selon l’ordre reçu, c’est qu’il renonce de facto à exercer sa domination sur l’animal sur le mode de la violence, c’est-à-dire en le mangeant après l’avoir tué. Et puisque son régime ne comprend pas les herbes réservées aux bêtes, il peut vivre sa maîtrise hors de toute concurrence. Ce don d’un régime alimentaire végétarien cacherait donc la discrète invitation que Dieu adresse à l’être humain pour qu’il maîtrise l’animal sans violence, dans le respect de sa différence et de sa vie. Et tout se passe comme si Dieu croyait l’être humain capable de maîtriser sa propre maîtrise et de cultiver ainsi une authentique douceur vis-à-vis du créé.
 La seconde partie de la parole divine est encore plus curieuse. En effet, le menu des animaux est lui aussi végétarien. Sous la plume d’un auteur par ailleurs cohérent, une telle incongruité est sans doute l’indice d’une métaphore. Celle-ci peut se comprendre, me semble-t-il, dans le fil de ce qui est en train de se dire à propos de l’humanité à la fin de ce poème mythique. Si, comme Dieu l’y invite avec discrétion en lui donnant sa nourriture, l’humanité maîtrise sa force en lui donnant pour limite le respect de la vie de ces autres que sont les animaux, alors, ceux-ci ne se mangeront pas entre eux. Ce que la parole de Dieu ébauche de la sorte, c’est l’horizon d’une paix universelle qui suppose que ceux qui détiennent et exercent le pouvoir développent par ailleurs une réelle estime envers toute altérité et renoncent aux mirages de la surpuissance et de la compétition.
 Au risque d’anticiper, il faut préciser ici que l’archétype biblique de ce monde pacifié, c’est l’arche de Noé. En faisant entrer les animaux dans l’arche, cet homme juste se comporte à leur égard en pasteur plein de douceur présidant à une cohabitation sans violence. Dieu lui prescrit en effet d’emporter « de tout manger qui peut se manger » (Gn 6,21). À l’évidence, il s’agit d’une nourriture à coup sûr végétale, puisque Noé ne constitue pas de réserve de bêtes destinées à servir de nourriture aux carnivores pendant la durée du cataclysme. À son image, selon Isaïe, quand le messie aura instauré la justice sur la terre, une paix semblable régnera entre les animaux sous l’égide de l’humain le plus faible et vulnérable, l’enfant (Is 11,1-9).
« Le loup habitera avec l’agneau, ... le veau et le lionceau seront nourris ensemble, un petit garçon les conduira… Le nourrisson s’amusera sur le trou du cobra, sur le trou de la vipère, le jeune enfant étendra la main. Il ne se fera ni mal ni destruction sur toute ma montagne sainte » (9,6-9).
 Pour revenir à la première page de la Genèse, il convient de préciser que, dans l’économie du texte, un tel exercice de la maîtrise n’est rien d’autre que la voie par laquelle l’être humain peut s’accomplir à l’image de Dieu. Celui-ci, en effet, tout au long du récit, ne cesse de déployer une maîtrise qui n’a rien à voir avec la toute-puissance dans son acception courante. Car si, d’emblée, Dieu soumet le chaos initial – les ténèbres, les abysses et le vent (v. 2) –, c’est dans la douceur d’une parole qu’il le fait, sans rien détruire, sans rien éliminer, allant jusqu’à laisser aux éléments négatifs du chaos une place propre, en leur fixant des limites (v. 3-10). Sans doute est-ce là la véritable « toute-puissance », non au sens de la force sans limite que l’homme prête volontiers au divin, mais au sens d’une puissance qui reste maître d’elle-même au point de se donner une limite pour ne pas tout envahir, à l’image du Dieu qui se retire au septième jour, laissant à l’univers son espace, tandis qu’il place l’humanité dans une position d’autonomie et de responsabilité
 Ainsi en va-t-il de l’être humain, de sa tâche : comme Dieu, maîtriser le monde par sa parole et avec douceur, de façon à ne pas détruire la vie mais à en favoriser l’épanouissement. Que cette voie soit ébauchée justement par la parole qui dispense aux vivants leur nourriture ne doit pas être un hasard. Car si le don de nourriture est un don de vie, la parole qui l’effectue est elle-même destinée à favoriser la vie en incitant à la douceur. Dans ce jeu, l’humanité est responsable dans la mesure où, de son choix, dépend l’harmonie du monde.
2. Les arbres du jardin d’Éden
 La première page de la Genèse (1,1–2,3) brosse le tableau d’un monde achevé (voir 2,1-2) où subsiste néanmoins un élément d’incertitude : la manière dont l’être humain va entendre l’ordre de Dieu à exercer sa maîtrise et son invitation discrète à la douceur. L’enjeu n’est pas mince. De la décision humaine dépend en effet l’harmonie du monde créé par Dieu. C’est ce que va raconter à sa manière le récit mythique de l’Éden (Gn 2–3).
« 16 Adonaï Élohîm donna un ordre à l’humain en disant : De tous les arbres du jardin manger tu mangeras. 17 Mais de l’arbre du connaître bien et mal, tu n’en mangeras pas, car, au jour où tu en mangeras, mourir tu mourras ».
 Certes, le tableau de la création au chapitre 2 diffère profondément de celui qui précède : si une impression d’ordre et d’harmonie rappelle l’atmosphère du grand poème qui précède, le champ de vision se resserre considérablement. Le monde décrit est ici à taille humaine, et tout se passe comme si le narrateur focalisait l’attention sur ce qui a été introduit au terme de Genèse 1, à savoir l’être humain, dont le choix inévitable va être décisif pour l’avenir de la création. C’est en tout cas avec l’être humain qu’il commence (ha’adam, 2,7), un humain qui ne tarde pas à se trouver confronté à un choix qui s’exprime – est-ce un hasard ? – dans une parole que lui adresse le personnage divin au moment où il lui donne sa nourriture (2,16-17). 
 En réalité, cette parole divine transpose le schéma du premier don de nourriture : tout est donné, sauf une chose. Là, c’étaient les végétaux, pas les animaux ; ici, ce sons tous les arbres du jardin, pas celui du connaître bien et mal. La différence de contenu – des arbres précis pour un être humain concret – est nécessaire pour qu’un récit puisse se nouer et se dénouer. Mais sous le contenu différent, l’analogie de structure est sans doute l’indice de ce que la question posée reste la même : comment l’être humain va-t-il gérer la limite mise à son pouvoir ? 
 Ainsi, tandis qu’elle souligne la nature symbolique du don de nourriture, cette proximité thématique attire l’attention sur la continuité cachée entre ce qu’il est convenu d’appeler les deux « récits de la création ». Un peu plus loin, un autre trait narratif vient confirmer cette continuité. En 3,1, la femme se trouve en présence d’un animal, le serpent, qui l’entreprend justement sur la question de savoir ce qui peut se manger (3,1-5). Son discours à ce sujet s’oppose clairement à celui du Seigneur Dieu. Aussi la question se pose-t-elle : l’être humain sera-t-il à même de dominer l’animal – ce qui est son devoir, selon 1,28 ? - Va-t-il au contraire se soumettre à lui ? Que se passera-t-il si, passant outre à l’ordre de Dieu, il se plie devant le serpent plutôt que de lui commander ? Qu’adviendra-t-il si, plutôt que de consentir à une limite, il ne met pas de frein à son appétit ?
 La suite du récit répond à la question en montrant à quelle rupture entre les humains et Dieu et à quelle déstructuration de l’ordre de la création conduit le choix de nier les limites et de vouloir tout « manger », c’est-à-dire accaparer (3,8-24). L’histoire de Caïn complète le tableau et illustre la rapidité avec laquelle le processus enclenché par la faute dérive vers la violence homicide (4,1-8) qui aliène l’homme vis-à-vis de la nature (4,11-16). La violence ne s’arrête d’ailleurs pas de sitôt et le chant de Lamek suggère plutôt qu’elle a une tendance à connaître une croissance exponentielle (4,23-24).
3. Un nouveau régime alimentaire (9,1-7)
 Le narrateur prolonge sa description de la violence par-delà la généalogie d’Adam dès le début du chapitre 6 (v. 5-13). Constatant que le mal des humains s’est multiplié, Dieu se repent de les avoir faits. Plein d’amertume, il décide de mettre un terme à leur méchanceté en les anéantissant. Pour lui, le monde court à sa perte à cause de la violence :
« Et la terre se détruisit devant Dieu, et la terre se remplit de violence. Et Dieu vit la terre, et voici : 
elle était détruite car toute chair avait détruit son chemin sur la terre. » (6,11-12).
 Qu’est-ce à dire « détruire son chemin », sinon refuser la voie de douceur où le créateur invitait l’être humain à marcher en lui donnant sa nourriture par une parole suggérant ou demandant de consentir à limiter son pouvoir, à canaliser sa maîtrise ?
 Mais après que le cataclysme a entraîné dans les flots furieux l’ensemble des vivants à l’exception du juste Noé, le Seigneur regrette son premier mouvement : son désir n’est pas la mort ! Aussi prend-il l’engagement de bannir à tout jamais la violence destructrice de ses façons de faire (8,21-22). Alors il revient sur la question de la nourriture dans une bénédiction qu’il adresse à Noé et où le lecteur peut entendre un écho direct à la dixième parole du récit de la création :
« 1 Et Dieu bénit Noé et ses fils et leur dit : « Fructifiez et multipliez et emplissez la terre. 2 Crainte de vous et terreur de vous sera sur tous les vivants de la terre et sur tous les volatiles des cieux, en tout ce qui rampe sur le sol et en tous les poissons de la mer : en votre main, ils sont donnés. 3 Tout ce qui rampe et qui est vivant deviendra pour vous nourriture, comme la verdure d’herbe : je vous donne tout. » (9,1-3). 
 Par cette bénédiction dont il gratifie le père de la nouvelle humanité, Dieu prononce une parole de vie qui rouvre le chemin de la fécondité et de l’épanouissement. Il y confirme le pouvoir des humains sur les animaux, mais cette fois, c’est en enregistrant la réalité de la violence qu’il semblait n’avoir pas prévue dans son plan initial. Comme il l’avait fait avec les éléments du chaos primitif – les ténèbres, l’abysse des eaux et le vent – lorsqu’il ordonnait le cosmos, Dieu n’élimine pas ce facteur de chaos apparu depuis. Il lui fait place. C’est ainsi que les animaux entrent désormais dans le régime alimentaire des humains, tandis que leur nourriture spécifique, l’herbe verte (1,30), ne leur est plus réservée : les humains aussi peuvent en manger. Est-ce le signe qu’en se laissant gagner par la violence, ces derniers se sont approchés de l’animalité ? Toujours est-il que Dieu leur ouvre un exutoire, de quoi extérioriser la violence qui affecte la maîtrise qu’ils exercent. Il est significatif en effet que Dieu recourre ici au lexique biblique de la guerre pour évoquer le nouveau rapport entre humains et animaux : « timore di voi e terrore di voi su… nella vostra mano sono dati », à l’image d’ennemis terrorisés avant d’être livrés à une défaite certaine.

Jo-Anne Mcarthur

 Mais ouvrir ainsi un espace à la violence humaine ne suffit pas. Encore convient-il de l’empêcher de se faire envahissante. Aussi l’espace où elle peut s’extérioriser doit-il être limité. C’est ici qu’intervient un nouvel ordre divin, toujours à propos de nourriture. On n’aura aucune peine à percevoir que cet ordre précise à nouveau qu’il s’agit de limiter ce qu’il est possible de consommer :
« Seulement, la chair en sa vie, son sang, vous ne mangerez pas » (9,4).
 Cette fois, c’est la nourriture carnée nouvellement accordée à l’humain qui est concernée : seule la chair peut se manger, pas le sang. Dans une brève incise, Dieu précise que ce dont il s’agit, c’est de respecter la vie dont le sang est le siège et le symbole (voir Lv 17,11.14 ; Dt 12,23). Or, le mot hébreu nephesh qui désigne la vie permet un double sens, car utilisé comme ici avec le suffixe possessif, « sa vie », il traduit notre pronom réfléchi : « lui-même ». En ce sens, le sang est le symbole du plus intime de l’être, de la vie qui lui appartient en propre : son « soi-même ».
 S’il en est ainsi, le nouvel ordre divin concernant la nourriture revient à autoriser l’usage de la violence pour autant que celle-ci ne s’en prenne pas à la vie, qu’elle respecte l’autre dans ce qu’il a de plus personnel, dans son identité. Or, qu’est-ce qui peut amener quelqu’un à vouloir priver l’autre de lui-même, à chercher à le faire disparaître entièrement en lui prenant toute sa force vitale – son sang – et en la détruisant pour se l’assimiler ? Qu’est-ce qui pousse un être à une violence aussi extrême, sinon la haine ou l’envie, deux sentiments qu’aucune loi ne pourra jamais interdire ? Aussi, derrière sa façade un peu arbitraire, le tabou du sang a, me semble-t-il, une portée métaphorique. Il met en garde contre ces attitudes qui d’ordinaire sont source de la violence la plus destructrice. Car si la violence devient l’instrument aveugle de la haine ou de l’envie, l’inhumain l’emportera, comme chez Caïn. Or, la fonction de la loi est justement d’empêcher que la violence déshumanise l’humain définitivement. En ce sens, Dieu prolonge son discours par un avertissement sévère : quiconque s’en prendrait à la vie de l’humain s’expose lui-même à la plus extrême des violences (9,5-6a). Car ce n’est pas pour la violence que Dieu a fait l’humain, mais à son image, en vue d’une douceur qu’il rappelle en finale en s’engageant lui-même à déposer les armes à jamais (9,6b-17).
Conclusion
 Lorsqu’il s’agit du régime alimentaire dans les récits mythiques de Gn 1–9, c’est de la gestion de la violence qu’il s’agit en réalité. Plus le récit progresse, plus cela apparaît à l’évidence. Le végétarisme prévu par le créateur constitue une invitation discrète à la douceur dans la maîtrise que l’être humain doit exercer sur les autres vivants, ce qui suppose qu’il consente à limiter son pouvoir, - de sorte qu’il ne soit pas destructeur, - à l’image de celui de Dieu dont la puissance créatrice ne détruit rien. Le don de la nourriture au jardin vient confirmer cette nécessité de la limite, tandis que le récit montre à quel désordre et à quelle violence conduit le refus d’une juste limite. Et même si, dans sa douceur, Noé fait régner l’harmonie entre les vivants entrés avec lui dans l’arche, Dieu n’en a pas moins appris que le cœur de l’être humain est porté à la violence. En donnant aux humains une nourriture carnée, il fait place à leur violence, mais pour en limiter aussitôt le champ de manière à empêcher, si faire se peut, que la haine ne s’en empare et ne la rende irrémédiablement inhumaine.

André Wénin
Université catholique de Louvain