Le Temps de la Création, une pensée pour les animaux d’élevage intensif

, par Pierre

« Du 1er septembre au 4 octobre 2020 les communautés chrétiennes sont invitées à célébrer le Temps de la création. Durant cette période, les chrétiens, dans le monde, renouvellent la foi en Dieu créateur et s’unissent dans la prière et dans l’action pour la sauvegarde de la maison commune. Cette année, la Saison de la Création s’inscrit dans le cadre plus large de l’Année « Laudato Si » ouverte par le pape François le 24 mai 2020. » voir sur église-catholique.fr

Lisa Luree

La FRA à son tour lance une invitation aux chrétiens à penser aussi aux animaux, en particulier aux animaux d’élevage, et de les inclurent dans leurs prières et leurs actions. Il ne s’agit pas ici de critiquer tous les efforts mis en place pour le Temps de la Création, mais de le compléter. Pour la FRA la condition animale s’inscrit comme une préoccupation chrétienne en lien avec notre foi et notre attitude envers les créatures de Dieu non-humaines. Le mal fait aux animaux devraient tous nous concerner surtout aujourd’hui face à l’ampleur de ce mal avec l’élevage intensif. Malheureusement les animaux d’élevage, eux mêmes et en tant que tel, sont souvent les grands absents des manifestations écologiques, alors qu’ils sont les premières victimes. Ces animaux sont rangés soit sous le mot créature ou disparaissent sous le mots nature. Mais ces animaux d’élevage que nous avons dénaturés où les met-on ?

Chaque année, dans le monde, plus de 70 milliards de créatures terrestres et jusqu’à 7 billions d’animaux marins sont tués pour la consommation humaine. Chaque jour en France, 3 millions d’animaux terrestres et environ 50 millions de poissons sont tués pour être mangés. Ces chiffres ne peuvent pas être ignorés, ni la violence que cela engendre. Il serait crucial pour les chrétiens déjà mobilisés pour la protection de la planète de s’emparer du problème de façon plus explicite. Dire, comme certains, que la souffrance existe déjà chez les animaux sauvages, comme le lion qui mange la gazelle, n’est pas une justification pour la souffrance causé par les humains quand elle peut très bien être évitée. Pourquoi rajouter de la violence dans ce monde quand nous sommes appelés à répandre la Paix ?

Presque tous les animaux élevés pour l’alimentation proviennent d’un système industriel de production. Les conditions de vie de ces animaux depuis leur naissance jusqu’à leur mise au mort sont un enfer de maltraitance et de souffrance. Ce système vise à produire des produits d’origine animale au moindre coût, dans le moins de temps et d’espace possible, en créant des conditions qui sont nuisibles aux animaux, à l’environnement et aux communautés déjà marginalisées.*

*(Un tiers des terres cultivables de la planète est employé à produire la nourriture des animaux d’élevage ou consacré à l’élevage. Environ 5 000 L d’eau sont nécessaires pour produire 1 000 kcal d’aliments d’origine animale, contre 1 000 L si l’origine est végétale. L’élevage est responsable de 14,5 % des émissions de GES au niveau mondial, contre 14 % pour le secteur des transports. Le plus grand utilisateur de ressources foncières au monde est le bétail élevé pour la production de viande et du lait.) https://www.viande.info

Nous avons vu comment nos choix alimentaires ont des conséquences directes sur le climat et aggravent l’effet de serre et la déforestation. En tant que chrétiens soucieux pour l’environnement et les populations les plus vulnérables, nous avons le choix de ne pas soutenir ce système. Nous pouvons adopter un régime alimentaire à base de plantes et/ou nous procurer les produits d’origine animale dans des fermes ou les animaux peuvent s’épanouir dans une bonne vie, propre à leur espèce et en tant que créatures de Dieu. Un acte concret pour ce Temps de la Création peut être de réfléchir aux choix alimentaires. En modifiant l’origine de notre alimentation nous cessons de participer à la cruauté envers les animaux, aux sources massives de pollution, à la déforestation, au gaspillage d’eau, aux mauvaises conditions de travail des employés de cette industrie, aux souffrances des populations les plus vulnérables.

Prière

Seigneur Dieu tu as créé toutes choses avec sagesse et par amour, et tu aimes tout ce que tu as créé. Regarde ta création avec bonté et miséricorde, et répands largement tes bienfaits sur toutes tes créatures.
Pour tous les êtres, hommes et animaux qui souffrent à travers le monde, prions le Seigneur.
Pour tous ceux qui cherchent, chacun à sa manière, à soulager les souffrances et les misères des autres, prions le Seigneur.
Pour qu’à l’exemple de saint François d’Assise, les chrétiens acceptent d’aimer et de protéger les animaux, prions le Seigneur.

La Fra réitère alors son invitation aux acteurs chrétiens pour l’écologie à se mobiliser aussi pour ces milliards d’animaux, victimes presque invisibles de notre système de production, qui n’est plus viable. Dire que l’élevage industriel est sous entendu dans le discours du Pape ne suffit pas face à l’ampleur des conséquences dévastatrices de ce système intensif. La lien ne se fait toujours pas ou très timidement. Il est urgent de faire la connexion et placer la lutte contre l’élevage intensif comme une priorité. Les conséquences sont aujourd’hui extrêmement graves et non seulement pour les animaux mais aussi pour les êtres humains, l’environnement, pour toute la Création... L’élevage industriel réunit à lui seul des dommages dans tous les domaines de la vie, nous devrions tous nous unir pour y faire face.

La Fra encourage aussi le Pape François à s’exprimer sur l’élevage intensif et l’exploitation massive des animaux d’une façon claire et précise. Pour que le Temps de la Création puisse se vivre dans toute sa dimension et tout le sens du « tout est lié. »
Entendons la clameur de la Terre, des plus pauvres, et la clameur des animaux !


De possibles explications à l’absence des animaux dans l’écologie chrétienne ?

Nous pouvons constater aujourd’hui un intérêt grandissant de la part de catholiques pour l’environnement en s’inspirant de l’Encyclique Laudato Si . Malheureusement tous ces efforts et ces manifestations mentionnent à peine l’animal, et encore moins les animaux d’élevage. Le théologien John Berkman propose une possible explication :

"Il y a quelque chose, au sujet de la préoccupation spécifique pour les animaux non humains, qui semble susciter de la résistance chez les théologiens catholiques. Il est probable que poser des questions sur le statut des animaux soit plus menaçant en comparaison aux préoccupations écologiques. D’une part, les préoccupations environnementales, dans un contexte global, montre la relation nécessaire entre l’épanouissement de l’être humain et les contextes écologiques. L’attention est fixée presque uniquement sur les problèmes liés à la condition de vie humaine, préserver l’environnement pour les humains. D’autre part, les préoccupations relatives aux animaux, par contre, semblent détourner l’attention pour le souci de l’être humain, car il se concentre sur la vie individuelle des animaux, plutôt que des contextes écologiques beaucoup plus généralisés pour les humains. Les éthiques de l’environnement remettent en question les modes de vie d’une manière particulière, mais l’éthique animale demande encore plus un changement immédiat et radical. "

Et pourtant l’encyclique, a été applaudie comme contenant les déclarations les plus significatives concernant un statut (renforcé) pour les animaux qui existe dans l’histoire de l’Église. Cependant, le document manque de contenu en ce qui concerne les animaux. Les animaux sont rangés sous le mot créature et sous le mot nature. L’animal n’est pas traité pour lui-même mais en lien avec l’écologie, elle-même intégrée à l’ensemble plus vaste de la théologie de la création. L’encyclique Laudato si du pape François est le premier document magistériel consacré directement à l’écologie mais il se situe plutôt dans la doctrine sociale de l’Eglise.