Que serait ce monde sans la nature ? Que serait ce monde sans les animaux ? L’Homme y vivrait-il heureux ? Ne serait-ce pas plutôt une image de l’enfer ? Dans les temps préhistoriques, l’Homme était loin de se considérer comme le couronnement de la création. Il avait l’intuition de sa proximité, de sa parenté avec les animaux. Tout comme lui, ceux-ci pouvaient exprimer la faim, la peur, l’étonnement. Tout comme lui, ils mettaient au monde des petits vivants et les nourrissaient au lait maternel. C’est l’animal qui contribua activement à faire de l’Homme ce qu’il est aujourd’hui.
Ainsi pendant plusieurs millénaires, la culture du blé fut étroitement liée et tributaire de la domestication du boeuf. Non seulement l’animal, dans cette perspective, à côté du travail, créa l’homme et l’aida à se différencier de lui, mais c’est encore l’animal qui s’avère, de par la relation que l’homme entretien avec lui, comme un révélateur des civilisations.
Toussenel, pour qui le chien est le "premier élément du progrès de l’humanité", va dans ce sens, et ne fait que répéter ce que le célèbre naturaliste français, Buffon, avait déjà exprimé au XVIIIè siècle au sujet du chien : "Comment l’homme aurait-il pu, sans le secours du chien conquérir, dompter, réduire en esclavage les autres animaux ? (...) Pour se mettre en sûreté, et pour se rendre maître de l’univers vivant, il a fallu commencer par se faire un parti parmi les animaux (...) : Le premier art de l’homme a donc été l’éducation du chien, et le fruit de cet art, la conquête et la possession paisible de la Terre".
La relation de l’homme à l’animal est malheureusement souvent ambiguë : soit l’animal est exploité, soit il est mis à distance. L’animal peut donc être successivement rejeté, divinisé ou haï. L’homme reconnaît en lui, soit des valeurs positives, soit des valeurs négatives. L’exemple du chien est très significatif à ce sujet et observe parfaitement cette ambivalence.
La Bible n’est pas étrangère à cette ambiguïté envers l’animal, et elle la reprend largement. Mais, d’un autre côté, que serait la Bible sans la représentation du monde vivant et donc tout particulièrement des animaux ? Sans ces nombreuses références au monde animal, la Bible perdrait, non seulement au niveau du message, mais également au niveau de son charme.
En effet, pas une seule page, comme le remarque si bien l’exégète Othmar Keel, où l’animal ne soit pas présent dans la Bible. L’animal s’y trouve du début de la création, avant même l’apparition de l’homme, à la fin des temps, ainsi dans le récit de l’Apocalypse, soit comme ami, au service de l’homme (exemple de l’agneau pascal), soit comme ennemi (exemple du "Wüstendämon").
L’animal est mentionné aussi bien dans les livres historiques de la Bible que dans les livres des prophètes et des sages. Face à un tel constat qui témoigne nettement de l’importance de l’animal, -d’appréciation, certes, positive ou négative-, on ne peut comprendre certains théologiens, tels l’un de ces représentants A. Bondolfi qui souligne, dans l’un de ses ouvrages, que parler de l’animal en théologie, relève d’un "luxe", si ce n’est même d’une "provocation". Pour d’autres, au contraire, trop peu de conclusions ont été tirées des enseignements bibliques à l’égard de l’animal. A notre humble avis, une théologie chrétienne sans évocation de l’animal, peut-être considérée comme nulle ! Et ce ne sont pas les Pères de l’Eglise qui nous contrediront, eux qui utilisaient fréquemment des exemples concernant la vie animale dans leurs prédications. Le Concile Vatican II a permis à l’Eglise un « aggiornamento » c’est-à-dire les pères-évêques ont revisité la Tradition, la liturgie et les dogmes de l’Eglise Universelle. Vatican II a rappelé le caractère prophétique de l’Eglise, cette dernière étant appelée à lire les "signes des temps", expression-clé de la constitution conciliaire Gaudium et Spes. L’Eglise de demain se devra donc d’intervenir dans le débat sur la place de la théologie animale dans la théologie traditionnelle.