Colloque Le bien être animal : un enjeu de justice et de paix

, par Estela Torres

Colloque oecuménique sur le « bien être » animal, comme enjeu de justice et de paix, organisé le 22 octobre en l’église protestante Saint-Matthieu, à Strasbourg.

Le colloque est organisé par le réseau JPSC ( Justice Paix Sauvegarde de la Création d’Alsace-Moselle). Il se déroulera de 10 h à 18 h. et réunira 5 conférenciers et une table ronde.

Ce colloque a pour objet de faire l’état des lieux de la considération de l’animal dans nos sociétés, de rappeler les fondements théologiques du respect de la vie. Seront présentées l’action et la pensée du docteur Albert SCHWEITZER en la matière. Des pistes dans les domaines de la politique, de l’éthique et des Droits des Animaux seront exposées. Le colloque se terminera par une table ronde dont l’objet est d’approfondir la recherche de perspectives d’action et d’engagement en faveur de l’animal. Une large place sera donnée aux participants pour s’exprimer, au cours de la journée .
Plus de détails sur les interventions :
Le colloque intitulé « Le bien-être animal, un enjeu de justice et de paix » est résolument engagé dans une espérance de justice et de paix pour tous les vivants de la terre. Cette espérance est fondée sur les enseignements que nous délivrent notre sensibilité, notre raison, l’évolution des connaissances scientifiques, ainsi que sur les qualités spirituelles d’éthique du respect de la vie et de compassion pour tous.
Ils nous conduisent à une reconsidération sensible, intellectuelle et spirituelle de la valeur et de la place des animaux, ainsi que de la nature toute entière. En même temps qu’à « une révolution des mentalités, une révision profonde de nos manières de voir, de penser et d’être », évoquée par Pierre Rabhi, dans la riche préface au livre de Michel Maxime Egger « La Terre comme soi-même », un réenchantement du monde. Ce changement doit s’actualiser dans une évolution du politique et des droits, en particulier du statut des animaux en droit .

Pour que cette espérance ait quelque chance d’advenir, un état des lieux sans hypocrisie s’impose : la VIOLENCE règne en maître, bafoue la justice, engendre la guerre ou une paix menacée et fragile, crée souffrances et mort physiques, psychiques et spirituelles. Tapie au coeur de l’homme (conflits intérieurs), elle est à l’oeuvre dans les relations interpersonnelles, que celles ci soient individuelles (couple, famille, amis, voisins…), ou celles de groupes plus ou moins nombreux et structurés autour d’une identité nationale, ethnique ou religieuse (entre l’Un et l’Autre).

Elle s’exerce économiquement aussi, de façon plus abstraite mais non moins destructrice. Enfin, elle s’exerce sur la nature et sur les animaux impunément et de façon d’autant plus paroxystique qu’elle est mise au service d’une technologie toute puissante. La zootechnie, l’optimisation du temps et de l’espace, la mécanisation, loin d’être au service des vivants, transforment dans le monde de l’élevage industriel, l’animal en objet, déresponsabilise « l’éleveur »devenu producteur et le déshumanise. Et si cette violence d’apparence si secondaire ( ce ne sont que des animaux) devait être prise très au sérieux jusqu’à conditionner la réconciliation de l’Homme avec lui-même et avec le monde des autres ?

SÉBASTIEN ARSAC, scientifique de formation, cofondateur et directeur des enquêtes de l’association L214, nous montrera l’extrême cruauté qui s’exerce dans les pratiques choisies par l’élevage des animaux dits de « rente », de la naissance, aux mutilations, aux privations de l’expression des besoins naturels de vie, qui serait source de bien-être, jusqu’aux conditions de transport et de mise à mort. A la vue de certaines images ou à l’évocation de certaines réalités, certains souffriront. Tant mieux, car le « blindage » défensif contre la souffrance de l’autre-animal est un mauvais présage pour la paix.

La réversibilité de la violence explique celle qui est faite aux personnes travaillant dans l’élevage intensif ; la souffrance humaine y est réelle et exemplaire de l’interdépendance qui relie hommes et animaux.

– « Le travail des femmes en production porcine implique une relation aux animaux affectivement dégradée ; cette relation renvoie à deux grandes dimensions, l’amitié et le pouvoir. Les femmes participent significativement davantage de la dimension amitié. Elles font preuve de plus de compassion et d’empathie ».
Le psychiatre Christophe Dejours explique : « les femmes reçoivent l’injonction de se comporter comme des hommes tout en valorisant leur nature féminine, notamment maternelle ».(« Conjurer la violence:travail,violence, santé ». Payot ).
« La virilité en tant que norme repose sur une péjoration de la sensibilité, de l’affectivité, un déni de la souffrance et de la peur.. .(« Travail,usure mentale ». Bayard 1993 )

« Face à la souffrance, pour ne pas souffrir, les travailleurs , individuellement ou collectivement construisent des défenses psychologiques qui constituent un BLINDAGE : représentation de l’animal comme machine, promotion de la virilité et déni de la peur, la guerre économique est valorisation de la souffrance, comme preuve de travail ». Mais « le blindage entrave la pensée autonome et l’action libre, non dictées par l’organisation du travail…Il désensibilise contre ce qui fait souffrir et au-delà permet parfois de rendre tolérable la souffrance éthique que la personne peut éprouver de commettre, du fait de son travail, des actes qu’elle réprouve moralement. ».( « Souffrance en France : la banalisation de l’injustice sociale ». 1998)

Sans justice, pas de paix : la production de céréales destinées aux troupeaux contribue aux problèmes sociaux liés au développement des grandes cultures au détriment des petits paysans. Mais Sébastien donnera aussi des pistes alternatives à ce modèle agricole et alimentaire actuel pour envisager une société plus juste et plus empathique.

En 1967, l’historien Lynn White dénonce les racines spirituelles (ou plus précisément judéochrétiennes) de la crise écologique. Une lecture littérale de certains textes bibliques conduit à séparer l’Homme de la nature, devenue son « environnement » sur laquelle il a toute puissance. L’importance des valeurs qui fondent la relation de l’homme à lui-même et au monde n’est pas remise en cause. C’est pourquoi il est juste et nécessaire de poser le problème de la violence faite aux animaux dans un cadre oecuménique chrétien. Il pourra être élargi à d’autres religions, il le devra.
Y a-t-il dans la tradition chrétienne les raisons de construire une autre relation, non-violente, avec la Création ? Des Pères de l’église comme Maxime le confesseur apportent ces raisons avant que n’apparaisse la grande figure de Saint François d’Assise. Il vécut sa foi dans l’Amour reçu d’un Dieu miséricordieux, principe créateur, et partagé avec toutes les créatures, qu’il nomme et considère frères et soeurs, car issus du même Père. Il fit le choix de la pauvreté, de l’humilité qui est la pauvreté de l’ego, annonçant ainsi la sobriété heureuse, qui contraste avec le consumérisme avide et toujours insatisfait de la société contemporaine, entraînant la roue de la production, consommation, déchets.

La mystérieuse communication qui s’instaure entre François et le loup, François et les oiseaux, est proche de celle qui réunit le souffrant et l’animal thérapeute. Pour comprendre cela, il faut s’abandonner à l’amour pur et gratuit dont souvent l’animal nous donne l’exemple en premier. Je cite Jean-Dominique Bourinet, prêtre franciscain : « Chargé de régir l’univers, l’homme livre celui-ci au mal et à l’engrenage de la violence, dans la mesure où lui-même s’y asservit, après avoir rejeté la lumière divine ».

JENNY LITZELMANN, philosophe, directrice de la Maison Schweitzer à Gunsbach, procédera à une remise en question de la barrière entre l’Homme et L’Animal, à la lumière de l’éthologie, de la philosophie et de la pensée d’Albert Schweitzer, telle qu’elle s’exprimait dans son oeuvre. « Chaque vie est sacrée ».1931
« L’éthique du respect de la vie c’est l’éthique de l’Amour élargie jusqu’à l’Universel. Elle est l’éthique de Jésus reconnue comme une nécessité de la pensée ».( Ma vie et ma pensée 1931)

Le frère BERNARD DUREL, dominicain et écologiste engagé, exposera les richesses de latradition chrétienne orthodoxe pour refonder la relation entre l’Homme, Dieu et la Création, telles qu’elles sont explorées dans le livre de Michel Maxime Egger : « La Terre comme soi-même » . L’encyclique Laudato si se livre à une étude très approfondie des causes de la crise profonde qui met en question la survie des hommes et n’élude pas la responsabilité chrétienne. Elle propose une conversion très franciscaine qui nous unisse tous et réaffirme la valeur propre de chaque créature : « tout est lié ». Par la rencontre entre sa foi chrétienne et d’autres spiritualités, il éclairera le chemin de la compassion. Au moment de la table ronde, des interventions plus courtes compléteront les sujets précédents.

CORINE PELLUCHON, philosophe, spécialiste de philosophie politique et d’éthique appliquée, procédera à une remise en question de notre relation à l’autre non-humain, impliquant une évolution du politique et des droits : redéfinition des finalités du politique, manière de penser les droits, changements institutionnels et culturels pour une société plus juste où les animaux ne sont pas de simples moyens au service des fins humaines.

Mgr RAPHAËL STECK, évêque de l’église gallicane, une branche de l’église catholique, s’engage dans la protection des animaux, ainsi qu’ESTELA TORRES, artiste peintre et coresponsable de l’association catholique fondée par l’abbé JELEN en Suisse : La Fraternité Sacerdotale Laïque Internationale pour le Respect de l’Animal ». Ils nous expliqueront les fondements chrétiens de leur engagement.

FREDERIC ROGNON, professeur de philosophie à la faculté de théologie protestante deStrasbourg, évoquera les racines chrétiennes de l’éthique de non-violence entre les êtres humains et entre les hommes et les animaux.
Le point de vue de la science sera abordé par JEAN-CLAUDE GALL, professeur émérite de géologie et de paléontologie de l’université de Strasbourg. Elle nous apprend que tous les êtres vivants sont étroitement interdépendants, car issus d’une chaîne ininterrompue de liens de parenté.

ANNE VONESCH, vice-présidente d’Alsace-Nature, association avec laquelle elle a cofondé le collectif « Plein air », référente « bien-être animal » de la fédération France Nature Environnement, s’aventurera dans l’espoir d’un déverrouillage des obstacles technico-économiques à l’empathie. La philosophie cartésienne a contribué à justifier la suprématie de l’Homme pensant et parlant sur « l’animal machine » incapable même de ressentir la douleur. C’est aussi par la philosophie que doit se penser ce propre de l’homme et la domination qu’il exerce sur la nature et les animaux.

C’est DAVID CHAUVET, juriste, auteur, doctorant en droit privé, cofondateur de l’association « Droits des Animaux », qui interviendra sur l’aspect juridique de la question animale et spécialement sur le problème du statut des animaux en droit. Une personnalité juridique des animaux est-elle envisageable et selon quelles modalités ?

Conclusion : Des échanges avec le public après chaque conférence et en fin de colloque, doivent faire émerger des pistes d’action pour que les réflexions menées ne restent pas purement spéculatives. Un texte récapitulatif des lignes de force de ce colloque, validées par les intervenants pourrait constituer une motion , référent d’actions futures .
Dominique Lang

Infos : « Le bien-être animal,un enjeu de justice et de paix » COLLOQUE DU SAMEDI 22 OCTOBRE 2016 en l’église protestante Saint Matthieu 97 boulevard d’ Anvers à STRASBOURG . Il est demandé une inscription préalable pour le repas. / L’entrée au colloque est gratuite, le repas VEGAN ( végétalien ) offert.
Contacts : inscription avant le 8 octobre prochain, auprès de Jacqueline Berthon : tel 0388779423 ou jacqueline.berthon0 chez orange.fr