Présenté par Melchior Gormand, Anne Kerléo
Avec :
- Estela Torrès, responsable de la Fraternité pour le Respect animal
- Éric Charmetant, docteur en philosophie, titulaire d’un master en théologie, ingénieur, auteur
- Éric Baratay, historien, spécialiste des relations hommes-animaux, professeur
Les animaux iront-ils au paradis ? On se pose la question alors qu’une journée d’étude est organisée par les jésuites à Paris sur le thème : "Quel salut pour les animaux ?" Se poser la question est-ce signe d’un anthropocentrisme excessif, comme il est reproché parfois à l’Église ? La tenue de ce colloque montre plutôt que les choses changent. Et que, sous l’impulsion de Laudato Si’, les chrétiens sont désormais invités à se demander si leur propre salut ne dépend pas de la Création tout entière.
Un colloque sur les animaux et l’Église
Le Centre Sèvres - Facultés jésuites de Paris organise un colloque sur le thème "L’Église et les animaux". Après "Les animaux ont-ils leur place dans l’Église ?", en mai dernier, les deux prochaines journées d’études ont pour thème "Quel salut pour les animaux ?" (le 9 octobre) et "Quelle éthique animale chrétienne ?" (le 27 novembre).
Signe que les choses changent ? On assiste en tout cas à "un retournement de regard" dans notre société, note Éric Baratay, historien spécialiste des relations hommes-animaux et auteur de "Des bêtes et des dieux" (éd. Cerf, 2015). La question du bien-être animal a pris de l’ampleur ces dernières années, notamment du fait des actions engagées par les associations de défense des animaux et qui marquent les esprits. Parallèlement, la recherche scientifique et les récentes découvertes en éthologie, la science du comportement animal, font évoluer notre perception du vivant.
77 milliards d’animaux terrestres tués chaque année
Mais en ce début de XXIe siècle "il y a une urgence… les animaux sont les principales victimes des modes de production actuels", insiste Estela Torres. La responsable de Fraternité pour le respect animal (FRA) cite les derniers chiffres : 77 milliards d’animaux terrestres seraient tués chaque année dans le monde pour être consommés par les êtres humains, soit 10 fois la population humaine.
Le XXe siècle est la période qui a le plus creusé l’écart entre l’homme et l’animal. Sous l’effet de l’exode rural et de l’élevage industriel, on en est venus à un phénomène de "chosification" de l’animal, constate le jésuite Éric Charmetant. Philosophe, spécialiste du rapport homme-animal, il est l’auteur avec Jérôme Gué de "Parcours spirituel pour une conversion écologique - L’appel de Laudato Si’" (éd. Vie chrétienne, 2020).
Peut-on vraiment être humain et avancer vers le Christ sans relation aux animaux, à la terre ?
Les chrétiens invités à changer de regard sur les animaux
De nombreux défenseurs des animaux pointent aussi du doigt le rôle des religions, et l’anthropocentrisme radical des chrétiens. Selon les deux associations organisatrices du colloque au Centre Sèvres, Fraternité pour le respect animal (FRA) et Notre-Dame de toute Pitié, certains chrétiens craignent qu’une plus grande prise en considération des animaux se fasse au détriment des êtres humains. On dénonce aussi souvent la Genèse et le fameux "remplissez la terre et soumettez-la" (Gn 1, 28) - même si le verbe "soumettre" n’apparaît pas dans toutes les traductions de la Bible.
Pour beaucoup de chrétiens l’heure est à la conversion écologique, notamment sous l’impulsion de Laudato Si’. Dans sa première encyclique sur l’écologie, le pape François "demande de différencier le message biblique des philosophies grecques qui l’ont complètement dévié, selon Éric Baratay, et de penser un nouveau christianisme, beaucoup plus biblique"... En est-on encore à se demander si les animaux iront au paradis ? Pour Éric Baratay, "il est évident que le salut englobe la nature, les créatures de Dieu !" On serait plutôt invités à réfléchir à cette question d’Éric Charmetant : "Peut-on vraiment être humain et avancer vers le Christ sans relation aux animaux, à la terre ?"