Un nouveau livre du prêtre jésuite Christopher... Et une recension du livre rédigée par Celia Deane-Drummond

, par Pierre

Un nouveau livre du prêtre jésuite Christopher Steck vient de paraître.

A Heaven for Animals A Catholic Case and Why It Matters
Un paradis pour les animaux : plaidoyer catholique et enjeux

Une perspective transformatrice sur l’au-delà des animaux, reliant réflexion théologique et action morale

Que devient notre animal de compagnie bien-aimé après sa mort ? Les animaux, quels qu’ils soient, ont-ils une place dans le plan divin ?

Un ciel pour les animaux propose une justification théologique novatrice de l’inclusion des animaux au paradis, remettant en question la vision conventionnelle du rôle qu’ils occupent dans le dessein de Dieu. S’appuyant sur les Écritures et sur la doctrine de l’Église catholique, Christopher Steck révèle une vision radicale de la grâce divine qui dépasse largement les perspectives anthropocentrées, et montre comment les animaux sont intrinsèquement impliqués dans l’œuvre rédemptrice du Christ.

Accessible aussi bien aux chercheurs en théologie qu’aux lecteurs en quête d’un approfondissement spirituel, cet ouvrage propose un cadre à la fois rigoureux et empreint de compassion pour comprendre la sacralité de toute la création et de tous les êtres qui en font partie. Un ciel pour les animaux invite ses lecteurs à repenser leurs responsabilités éthiques, en suggérant que notre manière de traiter les animaux devrait refléter une vision anticipatrice du royaume inclusif de Dieu — une perspective transformatrice qui relie réflexion théologique et action morale.

L’article en anglais : :https://sarx.org.uk/articles/books-and-literature/a-heaven-for-animals/

Christopher Steck, SJ, est Healey Family Distinguished Professor en questions éthiques au sein du département de théologie et d’études religieuses de l’Université de Georgetown, et rédacteur en chef de Theological Studies. Il est l’auteur de nombreux articles et ouvrages, dont All God’s Animals : A Catholic Theological Framework for Animal Ethics (GUP, 2019).


Compte rendu : Nos animaux de compagnie iront-ils au paradis ?
par Celia Deane-Drummond, 3 octobre 2025

Source : American Magazine
https://www.americamagazine.org/books/2025/10/03/animals-pets-heaven-book-review/

Recension de A Heaven for Animals (Un paradis pour les animaux)
de Christopher Steck, S.J.
Georgetown University Press, 184 pages, 25 $
par Celia Deane-Drummond

Parmi mes plus tendres souvenirs d’enfance figurent ceux de mes animaux bien-aimés : Zena, mon labrador noir, mon chat Saturne et mon poney du New Forest, Diamond. Plus récemment, j’ai chéri ma labrador noire, Dara, que j’ai nommée pour des raisons théologiques. Dara signifie « pleine de compassion » en hébreu. En famille, nous avons assisté à sa lente et prématurée agonie, causée par une maladie transmise par une tique non diagnostiquée, alors que nous rentrions de New York à Southampton durant l’été 2017, après six années de travail aux États-Unis.

À seulement trois ans, Dara nous a fait pleinement confiance. Le prêtre catholique présent sur le bateau de croisière a d’abord refusé de prononcer une prière pour notre compagne mourante. Pourtant, j’ai su, par une intuition ferme plus que par une théologie élaborée, que Dara avait sa place au paradis. Sa capacité à souffrir sans se plaindre et notre impuissance devant sa mort témoignaient de son courage et de sa faculté à éveiller en nous la compassion.

Le livre A Heaven for Animals : A Catholic Case and Why It Matters (Un paradis pour les animaux : une approche catholique et pourquoi elle compte), nouvel ouvrage accessible et captivant de Christopher Steck, S.J., est dédié à tous ceux qui ont aimé un animal et espèrent le revoir un jour. Avec une honnêteté perçante, il explore les tensions éthiques au sein de la tradition catholique, partagée entre l’usage des animaux pour la commodité humaine et la compassion à leur égard. L’Église catholique n’a jamais rejeté formellement l’idée que les animaux puissent être au paradis — une ouverture qui laisse place à la créativité théologique.

Le livre de Steck est comparable à un puzzle qui nous aide à comprendre pourquoi les animaux doivent nécessairement être inclus dans le récit chrétien du salut. Il ne se limite pas à la question de ce qu’il advient de nos animaux de compagnie après leur mort, même si c’est son point de départ. Il s’interroge aussi sur la forme que pourrait prendre le salut selon les différentes espèces : des animaux intelligents et sensibles jusqu’aux insectes ou aux vers.

Steck estime qu’il faut d’abord dégager un terrain théologique avant de conclure quoi que ce soit sur le sort des animaux après la mort. Le concile Vatican II a marqué un tournant majeur dans la position de l’Église catholique, passant d’une tolérance quasi indifférente, voire cruelle, à l’égard de l’utilisation des animaux, à une ouverture vers une conception plus universelle de l’amour de Dieu pour toutes les créatures.

Pourquoi ce changement ? Théologiquement, la redécouverte de la portée cosmique de la christologie et de l’eschatologie des premiers siècles du christianisme a joué un rôle. Les théologiens catholiques cherchant une approche plus inclusive se sont également tournés vers la Bible comme source d’inspiration, notamment autour du thème de la compassion divine.

Steck ne rejette pas totalement le refus de Thomas d’Aquin d’accorder l’immortalité aux animaux, fondé sur l’idée thomiste qu’ils ne possèdent pas d’âme rationnelle et immortelle. Il s’appuie plutôt sur une distinction commune parmi les défenseurs des droits des animaux : les créatures sensibles et conscientes pourraient, en théorie, connaître une forme de résurrection corporelle adaptée à leur espèce. Le salut des animaux plus simples (et vraisemblablement des plantes) s’inscrirait dans l’histoire du salut d’une manière différente.

Les théories de l’évolution ont remis en cause les philosophies et théologies qui séparaient radicalement les humains des autres animaux. La prise de conscience écologique croissante a également favorisé un sentiment d’interconnexion avec la Terre et ses créatures. Mais Steck reste conscient de la souffrance animale et de la cruauté inhérente aux processus écologiques et évolutifs. Comment comprendre cette souffrance à la lumière de la foi en un Dieu créateur et aimant ?

Pour Steck, l’idée théologique ancienne d’une chute cosmique s’applique : la chute originelle de l’humanité dans le péché a eu des répercussions sur les autres créatures. Il n’aborde toutefois pas la question de la souffrance animale avant l’apparition de l’homme. Cela ne peut s’expliquer que si le récit du paradis, de la création et de la chute est interprété de manière symbolique plutôt que chronologique. Steck s’intéresse davantage aux notions d’alliance cosmique — issue de l’alliance de Dieu avec toute la création dans la Genèse — et de royaume de Dieu, qui renvoie à l’idéal d’un ordre juste et harmonieux.

Il n’est pas surprenant de trouver plusieurs références au pape François dans le livre, celui-ci ayant choisi le nom du saint patron de l’écologie. Le pape François s’est aussi soucié des plus pauvres, humains comme terrestres, rappelant que « notre sœur la Terre est parmi les plus abandonnées et les plus maltraitées de nos pauvres » (Laudato Si’, n°2). À plusieurs reprises dans Laudato Si’, le pape évoque la position développée par Steck : il ne dit pas que nos animaux de compagnie iront au paradis (contrairement à ce que certains médias ont rapporté), mais affirme que Dieu prend soin des plus petites créatures et que toutes sont incluses dans la rédemption du Christ. Notre chemin spirituel se fait « en union avec toutes les créatures » (n°244) et « la vie éternelle sera une expérience commune d’émerveillement, où chaque créature, resplendissante de transfiguration, prendra sa juste place » (n°243).

Certains spécialistes de la théologie et de l’éthique animale ont reproché au pape François de ne pas avoir assez insisté sur le traitement éthique des animaux. Steck s’appuie néanmoins sur les éléments qu’il trouve et plaide pour une position éthique intermédiaire. Je partage son avis selon lequel résister à l’élevage industriel constitue une réponse éthique appropriée face aux maux qu’il inflige aux travailleurs comme aux animaux. Cependant, il admet une certaine tolérance lorsqu’il serait difficile, pour préserver l’harmonie sociale, de refuser de consommer des produits issus de l’élevage industriel. Steck n’aborde pas pleinement ces péchés structurels.

J’ai également été intéressée par sa référence à saint John Henry Newman, récemment proclamé docteur de l’Église. Celui-ci affirmait, d’une manière étonnamment moderne, que les animaux victimes de cruauté dans les foyers participent à la souffrance du Christ sur la croix. Notre charité devrait donc s’étendre à toutes les créatures.

Hans Urs von Balthasar, autre théologien peu associé à la cause animale, inspire également Steck, qui reprend sa conception trinitaire d’un « espace d’action en Dieu » — une tentative, semble-t-il, de rendre la discussion dogmatique plus accessible, même si je préfère la terminologie originale de von Balthasar : le « théo-drame ».

Steck prolonge la pensée de von Balthasar en proposant que l’Esprit Saint soit la personne de la Trinité permettant d’une certaine manière aux animaux sensibles et conscients d’adhérer à Dieu, les intégrant ainsi à la vie céleste. En repensant aux animaux que j’ai connus et aimés, je les perçois comme dotés d’une véritable personnalité et d’une capacité d’action. Leur histoire est liée à la mienne et a contribué à façonner la théologienne que je suis devenue.

Steck a voulu que ce livre soit une version accessible d’un précédent ouvrage plus académique sur le même sujet — pari, à mon avis, largement réussi. Le pape François a laissé entrevoir la possibilité d’une vie céleste pour les animaux, sans toujours être cohérent dans ses déclarations éthiques sur leur utilisation. Steck parvient à naviguer dans ce domaine complexe avec des arguments théologiques et éthiques solides. Ce livre mérite d’être lu, apprécié et discuté largement.

Cet article paraît dans le numéro de novembre 2025 d’American Magazine.