Deux ouvrages à lire
L’Islam et les animaux
Ouvrage collectif dirigé par Omero Marongiu-Perria qui analyse les apports théologiques, juridiques et mystiques sur le statut de l’animal au fil de l’histoire de la pensée musulmane. Ce livre explore également des sujets qui font souvent polémique : une viande est-elle licite (halal) uniquement par la façon dont l’animal est mis à mort ? Est-il possible de vivre pleinement les prescriptions de l’islam tout en étant végétarien ?
Les Animaux En Islam
Al-Hafiz Basheer Ahmad Masri
Préface de Malek Chebel
Lorsqu’on est musulman, est-on tenu de manger de la viande ? La viande halal implique-t-elle nécessairement une mise à mort sans étourdissement ? Est-il obligatoire de sacrifier un mouton pour célébrer la fête de l’Aïd el-Kébir ? Peut-on avoir pour loisir des activités contraires à la compassion envers les animaux, comme la corrida ou la chasse ? Autant de questions traitées par cette somme érudite faisant le point de manière exhaustive sur les enseignements islamiques en matière de droits des animaux. Al-Hafiz Basheer Ahmad Masri (1914-1992) est né en Inde. Il obtient une licence d’Arabe à l’Université du Pendjab à Lahore et étudie à la Faculté d’Arabe de l’Université al-Azhar au Caire. En 1961, installé en Angleterre, il est co-rédacteur en chef du magazine islamique de renom The Islamic Review. En 1964 il devient le premier musulman sunnite à être nommé Imam de la mosquée Shah Jehan de Woking en Angleterre. Cet ouvrage majeur en matière de théologie animale islamique est pour la première fois traduit en France par Sébastien Sarméjeanne, sous le contrôle scientifique de Malek Chebel, spécialiste de l’islam et du monde musulman.
Quelle est la place des animaux dans l’Islam ?
Une émission de Radio France avec Omero Marongiu-Perria
https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/questions-d-islam/quelle-est-la-place-des-animaux-dans-l-islam-7033663
En l’islam, il n’y a aucune interdiction dans le fait d’être végétarien (ce dernier mangeant ainsi parfaitement halal), quoique cette pratique demeure peu commune dans le monde musulman ; le végétarisme gagne néanmoins des adhérents en terre arabe et musulmane, car il n’est pas halal d’élever un animal comme une machine, et que les animaux aussi méritent compassion, puisqu’ils sont, comme les hommes, des créatures de Dieu. Comme le christianisme et le judaïsme, l’islam affirme que Dieu a créé les animaux . Mais à la différence du christianisme, l’islam s’intéresse étroitement à l’animal :
« De nombreux hadîths, propos attribués au Prophète, insistent sur la douceur et la mansuétude que l’on doit observer à l’égard des animaux : l’homme qui donne à boire à un chien assoiffé, un animal impur pourtant, est assuré de la grâce divine. (...) Selon certains exégètes du verset VI, 38, il se pourrait en effet que les animaux puissent connaître eux aussi une forme de révélation qui leur soit propre, avec la promesse de la Résurrection et du Jugement. (...) L’absence d’incarnation en islam (Dieu ne s’est pas fait homme, Dieu est radicalement autre), rapproche l’homme de l’animal, rassemblés dans une condition commune . »
Dans Animals in Islam, Al-Hafiz Basheer Ahmad Masri, qui fut l’imam de la mosquée Shah Jahan de Woking, au Royaume-Uni, de 1964 à 1968, écrit : « Ne pas être cruel envers les animaux, ou même faire preuve d’une bienveillance condescendante à l’égard de nos soi-disant “inférieurs”, cela n’est que formulation négative.
L’Islam demande que nous pensions et agissions de façon positive, en admettant les diverses espèces comme autant de communautés semblables à la nôtre, ayant leurs propres droits, et en ne les jugeant pas selon nos critères humains et nos échelles de valeurs (...) En fait, l’Islam est tellement concerné par la compassion pour les animaux que l’on peut se demander après tout pourquoi il nous a autorisés à les tuer pour notre nourriture, et pourquoi il ne nous a pas prescrit de devenir végétariens (...) D’un point de vue humanitaire, l’idéal serait que le monde entier devienne végétarien, et que soit laissée aux animaux la possibilité de vivre leur vie naturelle. »
Selon le Coran (21, 107), Mahomet fut envoyé comme « secours de toute la création ».
Certaines objections au végétarisme dans l’islam pourrait venir du fait qu’une pratique comme l’Aïd el-Kébir est incompatible avec le végétarisme ; ce à quoi Masri rétorque :
« Pendant les premiers temps de l’Islam, la tradition d’offrir des animaux avait un sens. La viande était alors un ingrédient essentiel de l’alimentation humaine, et aucune miette n’en était perdue. De nos jours, tuer [des animaux] est devenu un rituel vide, et le sens profond [de l’acte] a été oublié. »
De plus, Soheib Bencheikh, Grand Mufti de Marseille, estime que le sacrifice d’un mouton à l’occasion de l’Aïd el-Kebir, « n’est ni un pilier de l’Islam, ni une obligation majeure comparable à la prière ou au jeûne du Ramadan » ; il ajoute que le droit musulman permet de remplacer cet acte par « un don fait dans un pays où les habitants ne mangent pas à leur faim, ce qui est plus conforme à l’esprit du partage que comporte cette pratique », d’autant plus lorsque l’on sait que l’agriculture produit la majorité de sa production céréalière pour engraisser des animaux pour leur viande, alors que des êtres humains souffrent de la faim et de la sous-alimentation de par le monde.
D’ailleurs, il existe une tradition du végétarisme au sein de l’islam, liée en particulier au soufisme. Les grands Saints soufis du passé étaient végétariens, comme Mirdad, qui déclara : « Ceux qui suivent le sentier spirituel ne doivent jamais oublier que s’ils consomment de la chair, ils devront payer ce geste de leur propre chair » Les enseignements du musulman indien et poète-saint Kabir, d’Inayat Khan et du srilankais Bawa Muhaiyaddeen encouragent au végétarisme.